Comment me connaître ?

ME 1870 page 230 

 

Je suis placé en face des cieux et du la terre: l'univers est comme un livre continuellement ouvert devant moi; par la lecture et l'étude attentives de ce livre, je puis bien arriver à comprendre quelque chose de «la puissance éternelle et de la divinité» de son Auteur. Et cette leçon n'est certainement pas sans importance. Mais ce livre-là ne peut pas m'apprendre ce que je suis. En me comparant à une pierre, ou au soleil, ou à un arbre, je puis bien découvrir des ressemblances et des différences entre ces objets et moi; je puis même dire que je ne suis que comme un grain de sable dans le vaste système du monde; mais toute la science que je puis acquérir par l'étude de la nature ne peut pas m'apprendre ce que je suis.

«Sans doute, me dit-on; et si tu veux te connaître, replie-toi sur toi-même, considère-toi toi-même; fais paraître ton moi devant ta raison, scrute ton coeur, examine les pensées, tes sentiments, tes désirs, tes craintes, tes motifs et tes oeuvres; toutes ces choses réunies seront comme un miroir où tu te verras tel que tu es». — Ah! oui! je verrai en effet mon moi tel qu'il est à mes yeux; je me dirai à moi-même ce que je suis; mon intelligence jugera de mon intelligence, ma raison de ma raison, ma pensée de ma pensée, et quand je me serai ainsi examiné, pièce après pièce, j'arriverai à ce merveilleux résultat: je saurai ce que je pense de moi-même! Mais est-ce là se connaître? Non! car ce que je veux savoir, c'est ce que je suis devant Dieu, c'est ce qu'Il pense de moi, car ce que je suis aux yeux de Dieu, c'est ce que je suis réellement.

«Oh! alors, me dit-on encore, si c'est là ce que tu veux savoir, la chose est simple et facile: tu as une conscience; or la conscience est la voix de Dieu, interroge-la donc, écoute-la et tu seras satisfait: tu sauras ainsi ce que Dieu pense de toi; à la lumière de ce divin flambeau tu te verras tel que tu es». — Bien! essayons! Deux choses pour moi sont indiscutables, savoir que Dieu est un et que tous les hommes ont une conscience. Or voici: chaque jour je vois une conscience absoudre ce qu'une autre conscience condamne. Voilà deux hommes: l'un me dit que sa conscience lui commande impérieusement de faire tel acte, et l'autre me dit que sa conscience lui interdit formellement de faire le même acte. Exemple: un protestant vous dira: ma conscience m'interdit d'invoquer les saints, et un catholique vous dira que sa conscience l'oblige, lui commande de le faire. Admettre que la conscience soit la voix de Dieu dans les deux cas serait une monstruosité, car Dieu est un; Il ne peut pas dire oui et non, l'une au moins des deux consciences erre et s'égare…, et cela me suffit pour que je ne me fie point à la mienne, pour que je ne la prenne pas pour le flambeau qui peut me montrer ce qu'est Dieu et ce que je suis devant lui.

«Cela est évident, me dit-on encore; et si tu veux savoir ce que tu es devant Dieu il n'y a que la religion qui puisse te l'appendre». — Je suis prédisposé à croire que c'est dans la religion que je trouverai la lumière après laquelle soupire mon âme. Et pourtant mon embarras est grand: la religion s'occupe de Dieu, et Dieu est un, et je vois vingt religions sur la terre. Je vois que les ministres de ces religions diverses sont en guerre perpétuelle. Si tous ces hommes parlaient du même Dieu, s'ils le connaissaient, s'ils avaient sa pensée, ne tiendraient-ils pas tous le même langage, puisque Dieu est un? Qui donc écouterai-je? Qui me dira la vérité sur Dieu et sur l'homme? Tous, je le sais bien, prétendent être dans le vrai; mais ils s'aveuglent, car tous se contredisent: ce que l'un affirme, l'autre le nie; celui-ci démolit ce que celui-là établit. Dans les religions, au lieu de trouver la lumière, je découvre la confusion et la contradiction: les unes disent oui sur Dieu et sur l'homme, quand les autres disent non. Là donc n'est pas la lumière.

Ainsi j'ai beau interroger la nature, sonder la profondeur des cieux et des abîmes, j'ai beau me replier sur moi-même et demander la lumière à ma raison, à mon intelligence, à mon coeur et à ma conscience; je puis m'adresser à toutes les religions du monde, c'est en vain; après ce travail, je ne connais pas Dieu et je ne me connais pas moi-même.

Où donc me tournerai-je? A qui m'adresser? Que me reste-t-il encore à interroger?

Il me reste, ô mon cher lecteur, un livre merveilleux qui révèle Dieu et montre ce qu'il est: un seul Dieu, éternel, infiniment grand, puissant, sage et bon: — un livre qui m'apprend que ce Dieu a eu des rapports avec les hommes, qu'il leur a parlé; en un mot, un livre qui manifeste clairement ce que Dieu est envers l'homme et ce que l'homme est devant Dieu, — j'ai nommé la Bible. Pas de contradictions, pas de confusion, ni sur Dieu, ni sur l'homme, dans ce livre admirable. Dieu s'y révèle progressivement, en divers temps et en diverses manières, mais c'est toujours le même Dieu; le Dieu vivant et vrai; or, dans la Bible, l'homme est placé devant Dieu; et, devant Dieu, devant cette lumière, il apprend ce qu'il est. Il me semble, mon cher lecteur, que cette vérité est incontestable, savoir: que Dieu seul peut me dire ce qu'il est et ce que je suis devant lui; et voilà précisément ce que je trouve dans les saintes Ecritures, la Bible, et nulle part ailleurs.

Ici donc, je pourrais poser la plume, car mon but était de chercher et de trouver une lumière qui me montrât ce que je suis devant Dieu; cette lumière, je l'ai trouvée, je viens de vous la nommer. Mais je désire ajouter quelques mots sur ce que ce saint livre m'appris soit sur Dieu, soit sur l'homme.

Et d'abord, quant à l'homme, la Bible met en évidence ces deux choses: 1° qu'il a été créé droit, bon, et qu'il portait primitivement l'image de Dieu; et 2° qu'il s'est corrompu, rebellé, révolté contre Dieu, son créateur. La Bible nous raconte que le premier homme a vécu un certain temps dans l'innocence, mais qu'ensuite il est tombé dans le péché et que tous les enfants qu'il a engendrés sont nés pécheurs; en sorte que l'histoire que la Bible nous donne est celle, non d'hommes innocents, mais d'hommes pécheurs. Elle raconte simplement ce que les hommes ont fait, et cela suffit pour démontrer jusqu'à l'évidence que l'homme est un être méchant, pécheur. On trouve dans la Bible des récits de fratricide, d'incestes, d'adultères, de meurtres et d'autres semblables; et on les y trouve parce que les hommes ont commis de tels crimes: Dieu, dans son livre, n'invente rien, n'exagère rien, mais ne cache rien quant à l'homme; Dieu dit ce que l'homme a fait, et ce qu'il a fait montre ce qu'il est.

Si nous jetons un rapide coup d'oeil sur l'ensemble de l'histoire de l'humanité d'après la Bible, voici ce que nous trouvons: Caïn tue son frère. Dès que les hommes se sont multipliés, la corruption devient si générale et si abominable que Dieu détruit, par les eaux du déluge, toute la race humaine, excepté Noé et sa famille. Après le déluge la terre se peuple de nouveau, la corruption reparaît, et l'idolâtrie s'introduit dans le monde. Alors Dieu se révèle à Abraham, et l'appelle, le sépare du monde, et ses descendants forment le peuple d'Israël auquel Dieu se révèle aussi et avec lequel il a des rapports. Dès ce moment toute l'histoire que la Bible nous donne de l'homme se concentre sur ce peuple. Elle nous le montre en Egypte dans la servitude; elle raconte sa délivrance par la puissante intervention du Dieu qui l'avait élu. De l'autre côté de la Mer Rouge, ce peuple chante les louanges de son Rédempteur. Mais au désert que de murmures! que de rébellions! que d'idolâtries! Toute la génération sortie d'Egypte est condamnée à périr dans ce désert, à cause de ses péchés. Ensuite pendant tout le temps qu'Israël a habité la terre promise, ses iniquités ne peuvent plus se compter. Et enfin, quand, pour accomplir ses desseins de grâce Dieu envoie son propre Fils au milieu de ce peuple, on l'abreuve d'outrages et on le crucifie entre deux brigands. Et ces faits ne peuvent pas être contestés: les hommes ont commis les actes, les péchés que la Bible leur attribue, et les déclarations suivantes au sujet de ce qu'est l'homme sont d'une éclatante vérité.

«L'imagination des pensées de leur coeur n'est que mal en tout temps» (Genèse 6: 5). «Le coeur est rusé, et désespérément malin par-dessus toutes choses; qui le connaîtra?» (Jérémie 17: 9.) «Il n'y a point de juste, pas même un seul; il n'y a personne qui ait de l'intelligence; ils se sont tous détournés du droit chemin; la crainte de Dieu n'est point devant leurs yeux», etc. (Romains 1; 3).

Voilà ce qu'est l'homme! voilà ce que je suis devant Dieu: un être souillé, un pécheur! Ah! je le sais: instinctivement l'homme fuit la lumière qui lui montre ce qu'il est, il essaie de contester contre Dieu, contre sa parole qui lui dit: tu es un pécheur! Mais c'est folie: les preuves qui établissent que je suis un pécheur abondent et me ferment la bouche.

Mais ce n'est pas tout: non seulement la Bible me dit ce que je suis, un pécheur; mais, en outre, elle me fait comprendre quelle est ma position devant Dieu; elle me dit que Dieu ne tolère pas le mal et que rien de souillé ne peut entrer dans sa présence; elle me dit que l'âme qui péchera sera celle qui mourra; et comme j'ai la certitude que mon âme a péché, j'ai aussi la certitude qu'elle est vouée à la mort. La mort de l'âme, ce n'est pas l'anéantissement de l'âme, mais sa séparation du Dieu qui est vie, lumière et amour; c'est ce qu'en divers endroits la Bible appelle la perdition, une ruine éternelle de devant la face du Seigneur. En termes plus simples, mais exactement vrais, la Bible m'apprend que tel que je suis, un pécheur souillé, je ne puis pas entrer au ciel, ni voir la face de Dieu: elle me dit: «tu es perdu, tu es perdu».

«Alors, dira sans doute mon lecteur, je ne puis pas comprendre votre admiration pour ce livre; en supposant que ces choses soient vraies, laissez-nous les ignorer, car la vie a déjà assez d'épines sans y introduire encore celle-ci; puisque les pauvres pécheurs sont perdus, laissez-les vivre dans l'illusion et ne les tourmentez pas avant le temps!»

Je serais entièrement de votre avis, mon cher lecteur, si la Bible ne m'apprenait rien autre que ce que je suis devant Dieu, un pécheur perdu; dans ce cas, je vous dirais: ne lisez pas ce livre. Mais la Bible est pour moi d'un prix infini, parce qu'elle m'apprend encore ce qu'est Dieu, ce qu'est Dieu pour l'homme déchu et ce qu'Il a fait pour le délivrer, le sauver! Si elle me parle de l'homme comme étant méchant, elle me parle de Dieu comme étant miséricordieux, pitoyable, lent à la colère, grand en bonté, ne prenant aucun plaisir à ce que le méchant périsse, mais voulant qu'il se convertisse et qu'il vive. Ce saint livre m'apprend que «Dieu a tant aimé le monde, qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle». Ce Fils unique de Dieu est venu dans le monde, comme un homme, semblable à nous, excepté le péché, et il disait: Je suis venu chercher et sauver ce qui était perdu. Pour cela il s'est donné en sacrifice pour nos péchés; il s'est constitué notre Substitut et, comme tel, a reçu le châtiment dû à nos péchés, qui, par ce sacrifice, sont et demeurent abolis. Ainsi si la Bible m'apprend que je suis perdu à cause du péché, elle m'apprend aussi que je suis sauvé par Jésus Christ; si elle me montre ma misère, elle me montre la grâce de Dieu qui est plus grande que ma misère; si elle me condamne, elle m'apprend que Dieu lui-même me justifie moyennant la foi en son Fils. Si, d'un bout à l'autre, elle démontre que Dieu hait le péché et l'a en horreur, d'un bout à l'autre aussi, elle démontre qu'Il aime le pécheur, et que son amour a été si réel et si actif qu'il a fait tout ce qui était nécessaire pour qu'un pécheur comme moi pût être sauvé. Voilà pourquoi j'aime la Bible. Voilà pourquoi aussi, lecteur, je vous dis: lisez et relisez ce saint livre.